
Alors qu’il était devenu l’un de nos coups de cœur
de l’année, le très attachant groupe gallois Race Horses a annoncé aujourd’hui
sa dissolution. En décembre dernier, nous avions rencontré Meilyr, ex-chanteur
et leader du groupe, ainsi que Mali, claviériste, harpiste, guitariste et bassiste,
pour évoquer leur entrainant second album, Furniture,
dont la sortie française est maintenue pour le 28 janvier. Interview
posthume.
Comment
est-ce que Race Horses s’est formé ?
Meilyr :
J’étais à l’école avec Dylan. Puis j’ai rencontré Mali et un autre membre du
groupe à la fac à Londres.
Est-ce
que vous avez tous les mêmes influences ?
Meilyr :
Il me semble que oui vraiment, pas toi ?
Mali :
Si, c’est ce qui nous a rapproché. A la fac, avant que je ne rejoigne le
groupe, nous parlions très souvent de musique et allions à des concerts
ensemble.
Est-ce
qu’il y a un rapport particulier à la musique au Pays de Galles ?
Meilyr
: Il me semble que le rapport à la musique y est très sain. Comme on est assez
éloigné de Londres et de l’Angleterre en général, c’est un peu un monde à part.
Il y a beaucoup de groupes gallois qui ont grandi à la campagne.
Mali
: Je pense que la musique est particulièrement importante dans les communautés
qui parlent le gallois, qui ne représentent environ que 20% de la population du
Pays de Galles. Je donne des cours de piano et j’ai remarqué que parmi mes
élèves, ceux qui fréquentent les écoles où l’enseignement est exclusivement
dispensé en Gallois ont un niveau très nettement supérieur à celui de mes
élèves qui vont dans des écoles anglaises. Je pense que la musique fait partie
intégrante de la culture galloise.
Meilyr
: Oui et il existe une scène galloise. De nombreux groupes vivent ensemble. Des
grands groupes comme Super Fury Animals, Gorky’s font partie du même réseau. Ce
sont des gens avec lesquels nous sommes amis et avons des choses en commun,
mais toujours notre motivation en tant que groupe a été de créer quelque chose
d’original, notre propre langage musical, donc je ne me suis jamais senti
associé à d’autres groupes.
Quels
sont les artistes dont vous vous sentez le plus proche alors ?
Meilyr
: Je pense que cela varie selon ce que l’on vit. Mais je me sens assez proche
de Leonard Cohen. Je peux réellement comprendre, apprécier, sa musique et ses
textes.
J’ai
lu dans votre biographie officielle que vous aviez aussi été inspiré par
Michael Jackson pour cet album, c’est un registre très différent !
Meilyr :
Oui, mais je trouve que c’est facile
d’être dédaigneux vis-à-vis de la musique populaire, en particulier quand on
est dans un groupe. Quand on te demande quelles sont tes influences, on
s’attend à ce que tu sortes le nom d’un groupe obscur dont personne n’a entendu
parler ! (Rires). Peut-être qu’on fait justement l’inverse. Je trouve
qu’il y a beaucoup de joie chez Michael Jackson et la musique pop en général
comme Yellow ou encore Abba, des groupes qui sont trop facilement dédaignés et
considérés comme ringards uniquement parce que leurs mélodies sont
accrocheuses.
Furniture surprend justement par le décalage
entre la musique très joyeuse et les paroles sombres et désenchantées.
Meilyr
: Pour cet album on a attaché beaucoup d’importance au rythme et aux paroles.
Je crois que j’ai peur des paroles. Ou surtout que ça m’ennuie terriblement de
toujours entendre les mêmes textes dans toutes les chansons. Donc je voulais
cette fois-ci produire quelque chose de réellement honnête, ce qui a été très
inconfortable pour moi mais important. Je trouve que l’album est
essentiellement optimiste, la musique est optimiste mais les paroles sont
probablement sombres parce que je me sentais triste au moment où je les ai
écrites.
Sont-elles
autobiographiques ou as-tu simplement exploré des thèmes qui t’intéressaient ?
Meilyr
: C’est un peu des deux. C’est vraiment étrange parce qu’au moment de
l’écriture je ne pensais à rien, la plupart des mots venaient de mon
subconscient. Donc je ne voyais rien d’autobiographique dans ces paroles. Mais
quelques mois plus tard j’ai réalisé que ça l’était ! Ça parait un peu
prétentieux mais c’est comme si mon subconscient m’avait dicté ce que je
ressentais vraiment à l’époque. Je me souviens qu’à l’enregistrement, le gars
qui mixait, Dave, m’a dit « Wow on tient vraiment du lourd là… Mais, tu es sûr
que tout va bien dans ta vie amoureuse ? » je lui ai répondu « Oui tout à fait » mais
quelques temps plus tard j’étais célibataire ! (Rires)
La
musique a-t-elle donc été le moyen pour toi de te sentir moins triste ?
Meilyr
:
Oui absolument ! Et le fait de jouer dans un groupe aussi ! Parce que ça te
sors de ta vie de tous les jours, non pas au sens d’une évasion, mais cela te permet de faire des choses que
tu ne pourrais pas faire seul chez toi. Si je restais à la maison je me
mettrais à cogiter … Mais si tu joues avec tes meilleurs amis, sur scène, que
tu rencontres des gens, c’est comme une fête dans un certain sens. Ecrire des
chansons c’est la même chose pour moi, c’est une célébration, c’est optimiste.
Partir
en tournée c’est aussi un plaisir j’imagine.
Meilyr
: Oui, parce que c’est différent à chaque fois. Pendant la tournée de Bat For
Lashes dont nous faisions la première partie, un soir à Barcelone, la salle où
nous devions jouer a dû fermer. Et comme tout avait été décalé nous n’avions
plus le temps de jouer. Alors on a décidé de jouer quand même en acoustique, au
milieu du public, et c’était formidable ! C’est aussi ça qui est amusant,
devoir s’adapter à chaque fois à une situation nouvelle.
J’ai toujours été intéressé par le panel d’émotions
qu’on peut ressentir pendant un concert. La chose essentielle qu’on a apprise
en tournée c’est que l’atmosphère que peut créer une salle a une influence
énorme sur la performance. Je sais que ça parait un peu ringard de dire ça mais
j’aime essayer de briser les barrières de ce que ressentent les gens. Quand le
public est sérieux, j’essaye de l’amuser et quand il est déchainé j’essaye de
créer une ambiance plus intimiste. C’est peut-être contradictoire mais c’est un
moyen de sentir qu’on communique vraiment avec le public. Et comme ça c’est à
chaque fois différent, je déteste l’idée de jouer de la même façon à chaque
concert et de ne même plus pouvoir distinguer une ville d’une autre. Il y a
malheureusement trop de musique uniforme.
Comment
vous est venue l’idée d’utiliser des instruments peu communs tels que le basson
pour cet album ?
Meilyr :
Peut-être du fait qu’ils étaient peu communs justement. J’avais envie
d’arranger mes chansons de la façon qui leur correspondait le mieux et j’étais
très attiré par le son du basson, du cor et des instruments très secs comme le
xylophone. Je pense qu’il s’agissait surtout de curiosité et d’instinct.
Ces
instruments donnent à certaines chansons une atmosphère très cinématographique.
Et les textes sont comme de petits scénarii. Quels films ont pu t’inspirer ?
Meilyr : Ah je n’avais jamais vu ça comme
ça ! C’est peut-être parce chaque chanson essaye de t’emmener vers une
histoire l’espace d’un instant. Il y a certains films qui ont effectivement pu avoir
une grosse influence sur beaucoup de chansons. Enter The Void par exemple, les films de Lars Von Trier, Dancer In The Dark, les films de Ken
Loach aussi pour Bad Blood (l’une des
meilleures chansons de l’album, ndlr). Mais il y a des livres aussi qui m’ont
inspiré, tout ce que je voyais, découvrais et faisait écho en moi, tu vois. Les
relations entre chaque membre du groupe également, j’ai essayé d’écrire aussi
pour eux…
La
Playlist de Race Horses
Propos recueillis par Kirana Chesnel // Photo: Jacques de Rougé
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