Pour la 25e année consécutive, les Eurockéennes ont posé
leurs scènes, leurs buvettes et bars à vins, surtout leurs enceintes
surboostées sur la presqu’ile du Malsaucy, près de Belfort. En tant que
Franc-comtois d’origine je ne pouvais pas me permettre de laisser passer ça, je
me suis donc taillé des rouflaquettes, chargé un camelbag de boisson venue des
Antilles et suis parti confronté mes oreilles à ce qui se fait de plus bruyant
et de plus ambianceurs de ce que l’on pouvait entendre en ce début de mois de
juillet.
Mes oreilles subissent une bonne dose groovy d’entrée de jeu,
on est jeudi et Gary Clark jr a pointé le bout de sa guitare électrique sur la
Grande Scène. C’est peu dire que le Texan balance un blues électrisant, mâtiné
de soul, rock et même des touches hip-hop. Sans vraiment faire le show, il a
mis dans sa poche tout le public au bout de deux chansons. Pas un quart d’heure
sur le site et déjà la sensation d’avoir vu l’un des meilleurs concerts du rendez-vous.
On appelle ça un départ solide. La suite envoie du bois aussi, puisque Asaf
Avidan a pris le contrôle de la Green Room, la scène secondaire. Frissons. L’ambiance,
la sueur des danseurs et les litres d’alcools consommés ou renversés sur la
jolie voisine (qui m’en voudra longtemps) c’est un certain Mathieu Chedid qui
les a apportés. Ce garçon se pointe sur scène avec ses lunettes en forme de
phare, ses costumes bizarrement taillés et sa petite voix qui nous parle comme
à des enfants et ses riffs, et ses tubes ont un effet génial sur le public. Moi
le premier je danse, chante et slame. Monsieur M est un maître en matière de
concert. Il ne m’a en revanche pas permis de me réconcilier avec la jeune
blonde arrosée. Il ne peut pas faire des miracles. Tout comme la tête d’affiche
de ce vendredi soir, Jamiroquai. Comme M il aurait dû être le moment fort de la
soirée, balancer tube sur tube et voler dans les coins. Les tubes sont venus,
mais le son très mal réglé cache sa voix, mais vu le peu d’énergie que Jay-Kay
donne sur scène, peut-être était-ce fait exprès. La déception est à la hauteur
de l’attente que sa carrière nous a offert de grands moments. Heureusement pour
nous, on a pu éliminer la bière ingurgitée bien plus efficacement sur Boys
Noize. La scène s’est rapidement transformée en un vaste champ de teufeurs,
prenant du plaisir à danser n’importe comment. Après tout c’est fait pour ça
les festivals.
A peine le temps de ronfler un peu et il faut refaire un
mélange pour le camelbag et repartir. L’inspiration est plutôt russe cette
fois. Pour ce vendredi nous avons rendez-vous avec une vieille
connaissance : les Smashing Pumpkins. C’était bien les 90’s, mais c’était
visiblement bien que dans les 90’s. Comme pour Jamiroquai, les Américains ont
mal vieilli et ne mettent pas de cœur à l’ouvrage. Dommage Billy Corgan
semblait ému à la fin du concert, il avait le droit de l’être pendant…
Puisqu’on en est au trashage, signalons que Woodkid a tout simplement raté sa
sortie belfortaine. Passons. D’autant que ce vendredi a sans doute été le
meilleur de tous. Et pas que pour l’excellent dosage vodka + jus d’orange. Les
stars des concerts, ceux qui sacrifient leur voix et leur énergie à la scène étaient de sortie. A commencer par les Australiens d’Airbourne, qui
en dignes successeurs d’AC/DC ont survolté la grande scène. Tout comme Skip the
use, mais est-il encore besoin de préciser que les Français approchent le
panthéon des groupes de scène ? Dans la même veine, les Bloody Beetroots,
malgré leurs masques rendent une émotion folle, pas facile pour des artistes
electro. Enfin, mis à part un chemisier au gout douteux, Lilly Wood & The Prick a été géniale de bout en bout, finissant même par se jeter dans la foule.
La belle et ses princes n’ont pas déçus.
Pour le samedi, nous commettons une grave erreur, le Ricard
prend le gout du plastique dans le camelbag… ça part donc mal. Mais
heureusement, Black Rebel Motorcycle Club nous attend et nous fait oublier ce
petit tracas. Une performance léchée qui lance bien la journée. Une journée qui
va osciller entre le très bon, le moyen et le franchement pathétique.
Commençons par les plantages : accusés Matisyahu et Lou Doillon levez-vous.
Pour le seul représentant du reggae durant ces quatre jours, les programmateurs
avaient fait venir une pointure, le juif Américain Matisyahu, roi du flow,
capable de tenir la distance face aux rappeurs les plus rapides. Raté. Il a été
plus mou que mou, à la limite de chanter faux. On est pas loin de penser qu’il
a abusé, un peu comme nous, de Marie-Jeanne, mais ça ferait cliché pour un
chanteur reggae. Quant à Lou Doillon, le problème est différent, ni sa voix, ni
son style musical ne collent avec ce genre de festival. Et on en est désolé.
Dans le moyen, il y a ceux qui ont été plutôt bons, sans que l’émotion soit à
son comble. On appelle ça un passage propre, sans plus. On y retrouve pèle
mêle : Two Door Cinema Club, Kavinsky, Kery James (qui aurait sans doute
été dans la catégorie très bon s’il n’avait pas été sur la grande scène, un peu
trop… grande pour du hip-hop), ou encore Valerie June. Du côté des très bons,
on est nombreux aussi. A$ap Rocky a envoyé du bois, Busy P a été aussi bon dans
son set que dans ses choix de la plage à Pedro dont Cassius a été le meilleur
en terminant la journée à La Plage. Mais le meilleur de la journée, et pour une
fois, c’est la tête d’affiche du jour qui l’a
réussi : Phoenix. Les Français ont été enfin à la hauteur de leur
réputation dans un show qui restera sans doute dans les annales. Jeux de lumière,
justesse technique, émotion et jetage non contrôlé dans le public, tout y était.
Tout ce dont j’avais besoin pour faire danser ma voisine. Merci.
Au dernier jour, il faut bien l’avouer, les organismes
commencent à souffrir. On se met donc un peu d’écossais et de coca dans le dos
et on va écouter ce que les Eurocks ont prévu pour nous achever. D’abord le
rock très (trop ?) psychédélique de The Black Angels. Malgré de très
nombreuses envolées très cool, l’ensemble du concert manquait d’homogénéité.
Même constat pour Tame Impala. En revanche un tryptique bien rock nous a
arraché des litres de sueur au prix d’heures de pogos. Mass Hysteria et Kvelertak
jouent fort et avec moult envie. Nous on a enchaîné les sauts dans la foule,
les Braveheart et les sauts de bonheur. Des fois le côté bourrin et cheveux
gras ça fait du bien. La Furia quoi. La troisième attaque de nos réserves
énergétique est venue de Skunk Anansie. Dire que Skin, alias Deborah Dyer,
était au top de sa forme est encore loin de la vérité. La tigresse est allée
dans le public, le faire s’asseoir, chanter au milieu, pour le faire partir en
pogos sur ses refrains. On appelle ça du charisme et une putain de présence
scénique. Dans le genre les petits jeunes de Palma Violets sont extrêmement énergiques
aussi. Autant dire qu’à l’arrivée de Blur, maxi tête d’affiche et bouquet final
du festival, on avait déjà bien puisé dans nos réserves. Les Britons
dérouillent ce qui reste en entamant Boys & Girl d’entrée. Pour le reste,
cette prestation a divisé l’ensemble du public. Excellents quand ils jouent
leurs tubes, les Blur sont absents entre leurs chansons et très mous quand il
s’agit de jouer leurs titres les plus calmes. Reste que voir en live Country
House, Parklife ou encore Tender c’est toucher l’exceptionnel. On ne parle même
pas d’un final sur Song2… Il manquait juste un soupçon d’ambiance.
Après ce dernier pogotage, il était temps de prendre une
dernière fois le chemin de la célébrissime voie de chemin de fer des Eurocks.
Le cœur un peu lourd de ne pas avoir pu voir tous ceux dont on nous a dit
qu’ils ont cartonné. On pense notamment à Alt-J, Major lazer, Archive, Action Bronson,
Matthew E White, Pih Poh, Dinosaur JR, Mykki Blanco, The Strypes, ou encore
Disclosure. C’est aussi ça les festivals, on peut pas tout voir. Une prochaine
fois sans doute.
Au final ces Eurocks édition 2013 laissent un petit gout d’inachevé
du côté des têtes d’affiche, le clinquant l'emportant sur l’ambiance. Un petit défaut comparé aux
monstrueuses prestations des challengers qui nous ont envoyé dans les oreilles
des décibels de bonheur.
Texte: Yann Butillon // Photos: Simon Daval (www.SimonDaval.fr // contact@simondaval.fr)
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