C'est parti pour cette 5e édition du festival Beauregard à Hérouville-Saint-Clair. Cette année encore, on compte bien s’en mettre plein les oreilles et les mirettes avec de grands classiques et découvrir de nouvelles pépites. Quelques grosses têtes d'affiche (New Order, Alt J, The Lumineers, The Smashing Pumpkins, The Hives) et quelques Normands ( Bow Low, Gablé) au programme pour ces trois jours!
Vendredi 5 juillet :
On arrive tout juste pour voir monter Half Moon Run sur scène. Dernier jour de tournée pour les Montréalais, qui ont enchaîné les concerts depuis plusieurs mois, jouant aux côtés de leurs compatriotes Rich Aucoin et Plants & Animals. Les Londoniens de Mumford & Sons, séduits, leur ont même proposé d'assurer leur première partie. Nous, nous les avions déjà vus à l'œuvre au Printemps de Bourges cette année. On avait été complètement bluffés. Cette fois, c'est en plein après-midi, sous un soleil de plomb, que les Canadiens se produisent. Pas forcément la meilleure case horaire pour un groupe à la musique aussi grave, mais qu'importe. Full Circle et Call Me In The Afternoon emportent immédiatement la foule, qui semble connaître les deux morceaux déjà par cœur. L'intensité troublante du jeu des Montréalais fait penser immédiatement à Radiohead (Give Up) tandis que le coté sauvage (She Wants To Know) rappelle les sonorités des premiers Foals. Multi-instrumentistes, chacun s'occupe presque simultanément qui de sa guitare et ses percus, qui de sa guitare et son synthé, qui de son synthé et de sa batterie. Les cordes se mêlent aux pulsations dans un grondement aux mélodies éthérées, et c’est beaucoup trop vite que se termine le set de ces copains de lune.
C’est ensuite à Bow Low d’enchaîner. On pense tout de suite à Razorlight, puis on pense à Bloc Party, alors ça va mieux. Les mecs sont chez eux, et pour cause, c’est leur fief. La voix est puissante, la mélodie est carrée, précise. Tout est parfait. Pourtant, il manque un je-ne-sais-quoi à ce live, et les Normands me laissent de marbre. Dommage car leur musique, savante, jongle avec un talent incontestable entre new wave et pop british.
Encensement dithyrambique versus laminage en règle, l’album Come Of Age, des Vaccines, sorti en 2012, avait fait couler beaucoup d’encre. Les Anglais étaient attendus au tournant. Oui, ils viennent de l’autre côté de la Manche, oui ils sont quatre, et oui ils font de la pop bien léchée. Et alors ? Justin Young et sa bande excellent dans le genre, saupoudrant le triomphe de la jeunesse ordinaire dans nos oreilles, et c’est ça qui est bon. Les bras qui s’agitent en l’air dans tous les sens, les pieds qui trépignent et les cheveux dans les yeux, c’est donc avec une excitation carrément pas dissimulée qu’on accueillera The Vaccines. Et l’on aura droit, sur un jeu de scène avouons-le plutôt plat, à une ribambelle de tubes en veux-tu en voilà, parmi lesquels le magnifique et résigné I Always Knew et le fabuleux Teenage Icon, le délectable No Hope ou encore Wreckin’Baar (Ra Ra Ra) et If You Wanna. Classic.
On passe maintenant outre-atlantique. Local Natives sème comme à son habitude ses mélodies rêveuses sans sourciller, tout délicatement, sans geste déplacé ni fausse note. C’est bien, on est super contents d’entendre Heavy Feet, mais bon. En festival, ça ne met pas franchement l’ambiance, et vu que le soleil à tendance à nous abrutir un peu, on attend avec impatience le groupe qui nous redonnera la pêche.
Et curieusement c’est New Order qui nous requinque, avec une touche old school. Si l’on apprécie Blue Monday, la musique n’a décidément plus rien à voir avec celle de Joy Division. On aura quand même droit à un final grandiose avec la seule cover de l’époque de Ian Curtis, Love Will Tear Us Apart. Un petit She’s Lost Control ou encore un Shadowplay n’auraient pas été de trop, mais on va pas se plaindre, non plus !
Voir Alt J en festival m’intriguait. Leur set à la Flèche d’Or à Paris début 2012 m’avait vraiment déçue et je me demandais si, avec le succès fulgurant qu’ils ont connu, ils auraient amélioré leur jeu de scène. Je ne peux pas vraiment l’affirmer, ni l’infirmer d’ailleurs. C’est beau, mais c’est toujours aussi froid. Le groupe n’est pas taillé pour les festivals. Et c’est dommage, car ça ne met pas en valeur la qualité des morceaux. On aura quand même la chance d’entendre les Anglais reprendre A Real Hero, titre de College & Electric Youth apparaissant dans la B.O. de Drive, et Buffalo de Mountain Man, magnifiques morceaux.
M est la grosse surprise de la soirée. Catalogué au fin fond de mon cerveau comme un éternel GO à la joie de vivre enfantine, je ne m’attendais qu’à sourire avec mélancolie sur A Tes Souhaits. Mais le petit homme à la coiffure excentrique et au syndrome de Peter Pan se grime, gesticule, crie, chante, et sourit. Beaucoup. Une chanson pour sa maman (Bahia), et pour sa grand-mère Andrée Chedid « qui nous entend sûrement de là-haut », Je dis aime, qu’elle a écrit pour son petit-fils. L’amour semble être un leitmotiv pour M, a qui l’on ferait bien un gros câlin pour le remercier pour cette parenthèse poétique.
Ca y est il fait nuit noire et il commence donc à cailler un peu. On se réchauffe comme on peut en mode sardine (à propos de sardine, je lance un appel contre l’ôde à Patrick Sébastien pendant l’attente des groupes). The Jon Spencer Blues Explosion déverse son rock nerveux qui sent bon le cuir et le whisky pur malt, et l’on n’en demande pas plus, c’est le gros défoulement de la fin de soirée. On prend part au mouvement de foule lorsque Jon clame avec elle comme un écho une succession de « yeah » virils.
C’est à Wax Tailor qu’il revient de clore cette première journée de concerts. Le dj, habitué des featurings, est venu avec tous ses potes du Dusty Rainbow Experience et ses amis rapeurs, et l’on savoure les mix accompagnés de trombone, de trompette et de flûte traversière, tandis que la magnifique voix (et la robe à paillettes) de Charlotte Savary font fondre les mâles de l’assemblée.
Après cette journée passée à sauter partout et hurler à tout bout de champ, on rentre épuisés avec nos coups de soleil et notre voix de caniche enrhumé. En fait, on s’en fout, on est content parce qu’on sait qu’après un seul dodo, la fête recommence !
En arrivant devant la scène où joue Gablé, on est surpris d’emblée par le foutoir. Des cloches sont disposées en pagaille sur son clavier. Les Caennais nous racontent des histoires, sur un son à la Of Montreal. Secouer des boîtes de conserves, casser des cagettes, tout est bon pour produire du son. Cette multitude de petites notes s’envole comme de petites comptines. Penchée sur son synthé, Gaëlle chantonne à la manière d’un vieux vinyle, avec un gros accent français plutôt bien assumé. En coulisse, ils nous avoueront écouter en boucle une vieille compile de Blossom Dearie. Plus original tu meurs, et le public, s’il semble trouve ça un poil étrange, a l’air d’apprécier, Nous voilà bientôt faisant l’indien, comme en maternelle, en tapotant la main sur la bouche.
On file ensuite écouter Rover et sa grosse voix charmeuse. On se verrait bien embarquer sur sa moto au son d’Aqualast le long de champs colorés. Changement de cap avec le rap élégant d’Oxmo Puccino, puis la pop mélodieuse de The Maccabees. Si l’on dodeline de la tête sur Pelican, qui s’est fait attendre, le groupe ne révèle pas vraiment une immense présence scénique. Un peu comme Alt J, on se dit que les gars doivent en revanche bien se prêter aux scènes plus intimistes.
On nous rebat les oreilles avec Jake Bugg depuis des mois, c’est donc le moment d’aller voir ce que le Justin Bieber du rock donne sur scène. Et, surprise, le premier morceau fait tomber toutes nos barrières et nos a priori. Si certains lui reprochent son manque de présence, sa posture figée et sa mine blasée, le public semble s’accorder devant la magie qui se dégage de ses doigts et de ses cordes vocales. Qui aurait cru qu’un type de 19 ans remettrait la country au goût du jour ?
Sur l’autre scène, The Lumineers commencent leur set. Leur morceau Ho Hey, apparaissant notamment dans la BO du dernier Michel Gondry, est un des plus gros succès musicaux de l’année. Mais The Lumineers, ce n’est pas que ça. Les Américains sont surtout des pros de la folk intimiste mais conviviale. Avant leur set, j’avais discuté avec un collègue de leur concert au Trabendo où ils s’étaient installés au milieu de la fosse le temps d’un morceau en acoustique. On s’était dit qu’en festival, par contre, il ne fallait pas y compter. Et bien laissez-moi vous dire que ces mecs sont des malades, et qu’ils sont allés, chacun, se promener dans la fosse avant de jouer au milieu du public pour jouer un de leur morceau. Le accordéoniste, perché en face de la scène, lui, est carrément resté jusqu’à la fin du set. Mémorable !
Comme d’habitude, les Bloc party ont été excellents, balançant leurs morceaux devenus des tubes comme de petites bombes. Oui, c’est ça en fait Bloc Party, une machine à tubes. Au chant, Kele a une classe pas possible. Et l’on est content d’apercevoir les yeux de Russell Lissack à la guitare, qui a enfin daigné couper sa grande mèche triangulaire.
C’est maintenant au tour des Smashing Pumpkins. On s’aperçoit que Billy Corgan a vieilli, et ça veut dire que nous aussi. Il n’a pas vraiment l’air heureux d’être là, à voir sa mine renfrognée. Ca fait quand même des papillons dans le cœur et des souvenirs plein la tête d’entendre en live Bullet With Butterfly Wings et 1979. Sa reprise de Space Oddity de David Bowie parachèvera ce petit instant de bonheur.
De loin, on entend déjà Miles Kane trépigner et hurler des Houhou et des Haha. Il emporte un public un peu plombé par les Smashing, c’est la fête, tout le monde saute partout. Le concert parfait pour un festival.
Puis, Vitalic, prend place sur scène. C’est le moment de danser et de décharger tout ce qu’il nous reste d’énergie, avant la dernière nuit et surtout le dernier jour en compagnie de John.
Dimanche 7 juillet :
Quel pied : il fait toujours aussi beau. On débarque alors que résonnent les premières notes des morceaux de Juveniles. Les Rennais diffusent une synthpop qui rappelle les meilleures heures de New Order, avec un flegme déconcertant. Le désormais célèbre We Are Young nous donne une envie irrépressible de clamer avec eux notre jeunesse. La chaleur ne cessant de grimper, on passe au bar, et on en profite pour découvrir la bière typique normande. Après tout, autant s’imprégner complètement du lieu. C’est donc ragaillardi qu’on fonce vers la scène où se produit Balthazar.
Les Belges nous raviront de leurs mélodies typiquement propres au plat pays, douces et puissantes, empreints d’une certaine fatalité. On regrettera de ne pas entendre The Boatman, mais on se réjouira de pouvoir chalouper au son de Fifteen Floors et The Man Who Own The Place. Au-dessus du public, un soutien-gorge en dentelle noire se balade, accroché à la perche de la caméra. Ambiance.
Interlude chanson française maintenant. On sourit devant les minauderies d’Olivia Ruiz qui supplie, lunettes noirs sur le nez, « rentre à la maison je te ferai des crêpes aux champignons. » Oui, niveau paroles, c’est un peu du même acabit que Miles Kane. Un peu de poésie avec Benjamin Biolay, et c’est enfin le moment que j’attendais le plus, l’arrivée des Hives.
Alors que les Suédois débarquent en costume de mariachis, le public est totalement comprimé devant la scène. L’excitation est palpable. Le problème avec les Hives, c’est qu’à force ils ont mis la barre un peu haute. Mais on ne sera pas déçus cette fois non plus. Alors que Pelle Almqvist nous informe de son OPA sur le château de Beauregard, la fosse s’agite, saute en rythme, tandis que Nicholaus, à la guitare, serre les mains des premiers rangs. Ils sont heureux d’être là et ça se voit. Après la traditionnelle quête aux applaudissement en mode mégalo, Pelle demande aux festivaliers de s’accroupir parterre. Un type ose un doigt d’honneur et se voit rembarré d’un « toi tu joues dans un groupe, et il ne doit pas être bon ».Tout à coup, dans un élan, la foule se lève. La fête continue et ne retombera plus.
D’ailleurs, qui de mieux que les infatigables Skip the use pour rester dans le même genre d'ambiance ? Matt Bastard et sa bande sont en pleine forme, comme à leur habitude, et enchaînent leurs morceaux, concentrés d’énergie pure.
Après la tempête, le calme. Nick cave & The Bad Seeds entrent en scène à la tombée de la nuit. A tâtons, le crooner fait planer une douce et lancinante noirceur. Le type est impressionnant, pétri d’authenticité. Collés à la scène, ce sont de vrais fans qui chantent toutes les paroles sans une hésitation. Bientôt, le sombre et fascinant Nick Cave dépose la main d’une femme contre son cœur en lui susurrant « Can you feel my heart beating ». Saisissant.
Tout aussi bouleversant mais dans un registre complètement différent, Dead can dance offre un spectacle impressionnant, au chant semi-mystique. Là encore, ce sont des amateurs de longue date qui se pressent contre les crash. Puis, un dernier changement d'ambiance radical : c'est sur la prestation de C2C que se termineront ces trois jours de folie. Sur l'ensemble de la pelouse du festival, tous les trois mètres, les festivaliers gesticulent sur des chorégraphies improbables.
Encore une fois, et pour la cinquième année, Beauregard aura usé nos semelles devant des lives de haut niveau. Gros son, noirceur, poésie ou grands classiques, la prog aura balayé un large spectre, offrant diverses ambiances sous un soleil inouï. Vivement l'an prochain, et en attendant, n'hésitez pas à vous taguer sur notre album de l'ambiance du festival !
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire