Cette année, Dancing Feet s’est aventuré de
l’autre côté de la Manche pour tester un festival anglais. Et parce qu’on ne
fait pas les choses à moitié, on a opté pour celui considéré par certains comme
« le plus grand festival du monde » – rien que ça : Glastonbury.
Au programme : bière, boue et rock n’roll.
Jeudi
26 juin
Le
look « bottes de pluie aux pieds » ne sied guère à la gare du Nord et
ses 25 degrés ambiants. Mais à mesure que l’on s’approche de l’Angleterre, il
devient de plus en plus approprié. Un Eurostar, un train anglais et une navette
plus tard, et le site se dessine enfin. Première impression : c’est
vraiment très grand. Renseignement pris, Glastonbury avoisine les 400 hectares , soit les
3 premiers arrondissements de Paris réunis.
Premier
défi : trouver une place pour la tente. La quasi-totalité des 180 000
festivaliers campent, et pour les accueillir, une vingtaine de terrains de
camping sont à disposition. Il y a celui réservé aux caravanes et camping-cars,
celui pour les tipis, celui pour les familles, et ceux pour les tentes,
disséminés un peu partout sur le site. Il nous faudra presque une heure pour
trouver un coin d’herbe où planter les sardines. Le temps de monter la tente,
de faire un rapide tour du site, et il est déjà temps de passer notre première
nuit dans les champs de Worthy Farm.
Vendredi
27 juin
Le
vendredi commence avec une tête d’affiche : Blondie. Ouvrir un
festival n’est jamais aisé, mais on imagine les New-Yorkais suffisamment
expérimentés pour ne pas se laisser gagner par le stress de cette pole
position. Et pourtant… Deborah Harry peine à emmener son groupe et
la foule. Sa voix n’est pas juste, et la chanteuse se sent obligée de parler
entre les chansons, mais ne sait pas quoi dire. Heureusement les nombreux tubes
amassés en 40 ans d’existence – Call Me,
One Way Or Another… – raccrochent les
spectateurs, autrement plus intéressés à converser autour de la première bière
de la journée.
Ce faux départ est très vite oublié grâce à Rodrigo y Gabriela.
Partout où il passe, le duo mexicain fait l’unanimité et l’Angleterre ne déroge
pas à la règle. Des airs latinos à Glastonbury, ça le fait grave. Dès les
premiers accords, le public est conquis et ne peut se retenir de danser. Le duo
dépasse le temps imparti et finit son set par une reprise de Creep de Radiohead, repris en chœur par
le public – ici, pas de yaourt qui tienne, tout le monde connaît la chanson – et
qui finit de mettre tout le monde d’accord sur la qualité de leur prestation.
Le festival est lancé.
Place
ensuite à De La Soul, considéré comme l’un des précurseurs du jazz rap.
Pourtant, sur la scène anglaise, la richesse attendue de ce mélange des genres
est quasi absente. A la place, De La Soul délivre une performance à la limite
de la caricature. Chaque chanson est ponctuée d’interventions à rallonge du
chanteur qui entre deux « fuck/fucking » intime les spectateurs à
lever les mains en l’air « sinon vous êtes de la merde », le tout en
beuglant dans son micro. A l’heure de la sieste, le tout devient très vite
pénible. Il est temps de changer de scène.
Sur
la deuxième scène – sobrement appelée ‘The Other Stage’, c’est Haim qui
se produit. Les trois sœurs, quasi-inconnues il y a un an, se retrouvent cet
été à l’affiche des plus grands festivals européens et américains. Mais aussi
entraînantes que peuvent être leurs compositions, l’attitude scénique des
frangines – tout en grande gueule et cheveux longs (on pense à la beauté
capillaire des frères Hanson à leur époque) – devient très vite horripilante.
On s’éloigne assez vite.
Pour
tomber par hasard sur l’excellente performance de Dreadzone. Leurs
chansons, mélange d’électro, de reggae et de rock font mouche. Rajoutez à cela
un chanteur dont l’énergie rappelle celle de Mat de Skip The Use, et vous avez
une très belle découverte. Au vue de la qualité de leur prestation, on se
demande pourquoi les Anglais qui cumulent tout de même 20 ans de carrière sont
cantonnés à une scène secondaire.
Un
orage de grêle plus tard, Foster The People s’installe pour un set bien
trop propre. Il manque aux Américains le supplément d’âme que l’on attend pour
un concert, et encore plus pour un festival. Le groupe enchaîne ses chansons
comme les plages d’un CD. Pendant ce temps, sur la scène principale, Lilly Allen offrait aux festivaliers une prestation dynamique et enjouée.
Glastonbury
est tellement grand que le temps de rejoindre la John Peel’s Stage, le set
de Chvrches est presque déjà terminé. Juste le temps pour nous de se faire
confirmer l’énorme potentiel live de ce groupe, qui réussit à envoûter son
public avec ses nappes de synthé.
Lykke Li fait son entrée en début de soirée. La France s’est arrêtée à I Follow Rivers, à tort. Car sur scène,
la jeune suédoise dévoile une œuvre beaucoup plus complexe que ce que son tube
laissait supposer. A base d’instruments acoustiques et de claviers, ses
compositions sont riches. Magnétique, la chanteuse prend plaisir à faire
participer son public et l’invite à fumer de la ganja (« si vous en avez,
c’est maintenant qu’il faut l’utiliser »). Très plaisant.
Pendant
qu’Arcade Fire squatte la scène principale, on décide de passer la fin
de soirée avec les explosifs Kaiser Chiefs. On se demande ce que Ricky,
le chanteur, nous réserve, lui qui en 2011 à Paris, n’avait pas hésité à
escalader le balcon de l’Olympia pendant I
Predict A Riot. Ce soir, il se contentera de grimper sur les enceintes, de
se barbouiller la tête de boue et de courir dans tous les sens. Son dynamisme
et la succession de tubes font le plaisir des spectateurs, qui n’auront de
répit que quand le set sera terminé.
Glastonbury
est grand donc. On peut passer le festival sans voir aucun concert tant les
choses aux alentours sont nombreuses et variées. Au quartier des artisans par
exemple, vous pouvez apprendre à fabriquer une pagaie ou à suivre des cours de
survie. A moins que vous ne préfériez tout simplement squatter un des nombreux
hamacs mis à disposition. Le camp Greenpeace propose des conférences sur les
thèmes chers à l’association, et avec beaucoup de patience, vous pourrez
profiter des douches chauffées grâce à des panneaux solaires. A côté, le
secteur Avalon est dédié aux spectacles de rue. Partout, des magiciens, des
transformistes ou des comédiens haranguent la foule. Les balançoires sont
prises d’assaut. Un cirque et un cinéma y ont été installés. Plus loin, vous
pouvez vous reposez au Peace Garden ou au mini Stonehenge – ambiance baba cool
assurée.
Retour
à la musique avec pour ce samedi, l’entrée en scène de Lana Del Rey, venue
tester son nouvel album Ultraviolence.
On savait le répertoire de la jeune femme peu propice aux pogos, et sa
prestation n’arrange pas les choses. Au lieu de faire vivre son set et de faire
participer le public, l’Américaine, statique, interprète ses chansons les yeux fermés, ne sortant de sa
bulle que pour remercier du bout des lèvres les organisateurs de l’avoir
invitée. Tout juste se souviendra-t-elle qu’elle a un public et lui tendra le
micro à la fin du set pour Blue Jeans.
Heureusement,
celui qui lui succède sur la célèbre Pyramidal Stage connaît son travail. Entre
tubes de Led Zeppelin et compositions solos, Robert Plant délivre un set intense. Le sexagénaire n’a plus rien à prouver, et cette liberté lui
permet d’exprimer toute sa créativité. Très à l’aise, il n’hésite pas à
revisiter Whole Lotta Love, Rock and Roll ou Black Dog pour leur donner une seconde jeunesse. Sur scène, le
plaisir est évident et communicatif. Étrangement, c’est ce papy du rock qui
offrira l’une des prestations les plus rafraîchissantes.
On
s’attendait aussi à du très lourd avec Jack White, qui est complètement
passé à côté de son Glastonbury. Visiblement sous l’emprise d’une substance
psychotrope, Jack White est ailleurs, et la bouteille de champagne qui
l’accompagne sur scène n’arrange pas les choses. Comme pour Lana Del Rey, les
nombreuses phrases de remerciement cachent mal un manque total d’interaction
avec le public. Présentes pendant tout le set, ses digressions à la guitare sont tellement éloignées des compositions originales que le public décroche.
Même le cultissime Seven Nation Army
en fait les frais. L’artiste termine sa prestation en s’écroulant sur son
batteur, qui ne sait s’il doit rire ou s’en aller très vite.
Petit
break pluvieux le temps de découvrir sur une des nombreuses scènes secondaires
les dynamiques membres du Melbourne Ska Orchestra qui, avec leurs
cuivres et leur bonne humeur, arrivent à faire danser les festivaliers sous leur
cape de pluie.
Pour
clore ce samedi, on laisse la grande scène à Metallica dont la venue a
créé la polémique : au festival flower power, sponsorisé par Greenpeace,
la venue d’un chasseur d’ours revendiqué ne plait pas à tout le monde. Plus loin, c'est à MGMT de monter sur scène. Entre deux tubes largement repris par le public – Kids, Time To Pretend, Electric
Feel – l’ambiance retombe rapidement. La faute à une setlist trop
déséquilibrée qui fait la part belle aux titres lents. Dommage. On finit cette
journée sur notre faim, et la boue colle aux vêtements et au moral.
Dimanche
29 juin
On
ne vient pas à Glastonbury pour la programmation : elle est annoncée bien
après la mise en vente des places, et les têtes d’affiche se retrouvent dans
plusieurs autres festivals. On vient pour l’ambiance. Qui se résume en un
mot : convivialité. En témoigne l’hétérogénéité du public. Les moins de 10
ans sont très nombreux. Des bambins, casque antibruit sur les oreilles, qui
accompagnent papa maman pour ces quatre jours de festival. Un quartier leur est
dédié et un terrain de camping est réservé aux familles. Il n’est pas rare non
plus de croiser des couples de retraités, nostalgiques des années hippies. Car
partout règne la même ambiance bon enfant. Les filles ont des couronnes de
fleurs dans les cheveux. Les mecs sont déguisés. Tout le monde carbure à la
bière et au cidre, à la marijuana et au gaz hilarant, sans qu’à aucun moment
cela ne dégénère. Franchement agréable.
Back
to music. Le soleil est revenu en Angleterre et le Booka Brass Band nous
fait transpirer. Sur scène, la dizaine de musiciens, leurs trompettes,
saxophones et trombones revisitent des tubes pop rock pour un set très festif.
Après
avoir assuré l’année dernière la première partie de plusieurs grands groupes,
les jeunes Anglais de The 1975 ont droit à Glastonbury à la scène
principale. Professionnels, les quatre garçons déroulent leur setlist
proprement, leurs titres électro pop rock faisant dodeliner les têtes. Plaisant
à l’heure de la sieste ensoleillée sur la boue séchée.
A 16
heures, les spectateurs affluent en masse vers la Pyramidal Stage. Curieusement,
l’événement de ce dimanche après-midi – voire du festival, est une femme de 68
ans, peroxydée et chanteuse de country : Dolly Parton. Selon les organisateurs,
elle battra même des records d’affluence. Piqués par la curiosité, on
s’installe, au milieu des fans déguisés en cowboy. Mais la country reste la
country, et après trois chansons, imperméables au charme de la septuagénaire, on
quitte la scène principale pour aller divaguer du côté de l’Avalon Stage.
Là,
les Mariachis ont sorti guitares et sombreros pour reprendre à la sauce
mexicaine des classiques de la pop rock britannique. Les Rolling Stones, Oasis
et U2 y passent, repris en chœur par les festivaliers.
Au
troisième jour de festival, notre plaisir coupable s’appelle Stromae. Le
Belge a traversé la Manche, et on est curieux de voir comment il s’en sort
devant un public vierge de tout Papaoutai.
Mais on se rend vite compte que tous les francophones présents à Glastonbury
ont eu la même idée que nous. Tant pis pour le dépaysement. Sur scène, Stromae délivre une performance digne de sa réputation d’entertainer, s’adressant au
public dans la langue de Shakespeare – quelques anglophones sont quand même
présents.
C’est
avec les Black Keys que commence cette dernière soirée. Ici, ils
jouissent d’une popularité encore plus grande qu’en France et cela s’en
ressent. Pendant que sur scène les riffs s’enchaînent, le public prouve qu’il
connaît tous les titres du groupe par cœur en scandant les paroles. Lonely Boy, Tighten Up ou Everlasting
Light déchaînent les festivaliers sans que Dan, le chanteur, ait besoin de
les encourager.
Pour
clôturer ce festival, ceux qui veulent encore brûler des calories restent sur
la scène principale pour Kasabian, qui encore une fois délivrera une
performance enflammée. Ceux d’humeur plus rêveuse se rendent à la Other Stage
pour Massive Attack. Difficile, même si l’on ne connaît pas parfaitement
leur répertoire, de rester insensible à leur prestation. Le public n’est pas là
pour scander les paroles, mais pour se laisser emporter par la musique. Leurs
compositions sont envoûtantes. Il y a de la magie dans l’air. On plane, et
quand Teardrop résonne en fin de set,
on regarde le ciel étoilé et on se dit qu’il n’y a pas meilleure façon de
terminer ce Glastonbury.
Rédactrice: Audrey Bourdier // Photographes: Audrey Bourdier et Sarah Dutein
Je vois que l'on a quasiment fait la même programmation, surtout le vendredi soir où comme vous, j'ai délaissé Arcade Fire, que j'ai trouvé fade à Primavera pour Lykke Li et Kaisier Chief (qui m'ont transportée). Dommage de ne pas avoir votre opinion sur le set de Kasabian qui fût, pour moi, le meilleur live vu dans un festival. C'était absolument grandiose et la fusion entre le groupe et le public était plus que totale. Cependant, ce qui me turlupine dans votre chronique, c'est que vous ne mentionnez à aucun instant Arcadia ou Shangri La. Après il y a tellement de choses à faire et à voir qu'on ne peut pas être partout mais c'est toujours intéressant de lire l'avis des autres. Bref, votre chronique est très intéressante, elle aurait pu faire 4 pages je l'aurai lu en entier. J'espère que vous vous êtes régalés au moins autant que moi à Glastonbury. Peut être nous y croiserons nous l'an prochain ;)
RépondreSupprimer