Dancing Feet: Beauregard 2014 // Jour 4 // dimanche 6 juillet

28/07/2014

Beauregard 2014 // Jour 4 // dimanche 6 juillet


La révélation de ce dimanche, c’est sans aucune espèce de doute le génial Steve Gene Wold, alias Seasick Steve. Le vieil homme à la longue barbe grise (73 ans au compteur !) et à la salopette en jean, casquette John Deere (célèbre marque de tracteur) vissée sur la tête, a scotché le public de Beauregard. Devant des festivaliers ébahis, accompagné de son musicien, il ouvre son set en grattant sa guitare à une seule corde et en tappant du pied sur sa « Mississippi Drum Machine ». Son mélange de folk, de blues, de country et de boogie vient stimuler notre production de dopamine. Sur Walkin’Man, il invite une jolie fille à monter sur scène afin de lui jouer son morceau, les yeux dans les yeux. "J’ai commencé à inviter des filles a mes concerts il y a 4 ou 5 ans et maintenant je peux plus m’en empêcher » reconnaît en coulisses le gaillard aux faux airs de gentleman farmer. Bouteille de vin rouge à la main, il enchaîne ses morceaux avec une satisfaction évidente et surtout une énorme reconnaissance. S’il côtoie Janis Joplin et Kurt Cobain dans ses jeunes années, c’est en jouant Dog House Boogie avec une guitare à trois cordes lors de son passage dans l’émission de Jools Holland qu’il se fait connaître pour la première fois, le 31 décembre 2006. « J’étais au chômage, je n’avais jamais entendu parler de Jools Holland auparavant, et le lendemain j’étais connu. » Un moment que Steve raconte avec une émotion palpable. « J’avais juste un minuscule ampli, le son était tellement mauvais… Je me disais : c’est tellement mauvais, il faut que je termine ça au plus vite ! Du coup, j’ai joué le plus rapidement possible, et je me suis levé en balançant ma guitare. Puis j’ai entendu tout le monde applaudir. Moi, j’avais l’impression d’avoir joué le son d’un moustique. Tout d’un coup, quelqu’un est venu vers moi me dire : « Oh my god ! C’était bien ! » Et j’étais là : « ah ouais ? » ». Depuis, l’Américain a fait du chemin. John Paul Jones de Led Zeppelin joue de la mandoline sur son morceau Over You, et même Jack White apparait sur son dernier album Hubcap music. Le plus impressionnant chez Seasick Steve, c’est son authenticité. En backstage, le mec raconte, bouteille de vin à la main toujours, comment il s’est retrouvé à ne plus pouvoir se lever sur scène après s’être accroupi, à cause de son grand âge. Il nous parlera aussi des trente minutes de ronronnement de moteur de son tracteur qu’il a enregistré sur cassette, afin de se repasser ce doux son en boucle, ou encore du coût du clip de Down At The Farm (56 dollars !) où il exécute « une danse de papa, ou plutôt de grand-père, voire d’arrière grand-père ». Celui qui a joué dans les années 60 dans la rue et le métro parisiens en faisant la manche pour pouvoir payer l’accouchement de sa femme (son fils est né dans la capitale) nous déclarera « adorer la France ». Mais c’est surtout les gens qu’il aime, et ça se voit. A la fin de son concert, il passera d’ailleurs plus de vingt minutes à serrer les mains du public aux premiers rangs.







Après cette immense découverte, il est temps d’aller applaudir Breton sur scène. Les Anglais arrivent devant un public déjà conquis. Leurs morceaux sont efficaces et rassembleurs, et Roman Rappack, au chant, ne cesse de communiquer avec la foule. Le groupe a fait bien du chemin depuis sa première date en France, il y a deux ans de cela. Il faut dire qu’ils ont pas mal de cordes à leur arc. Un art protéiforme déjà. Le collectif, qui a choisi son nom en hommage à André Breton et aux surréalistes, ne fait pas que composer de la musique. Il réalise aussi des films, et utilise la photo, l’illustration, et le graphisme. Des arts que l’on peut observer sur scène, sur les écrans qu’ils retransmettent tels de mini clips pendant leur set. Roman Rappack, qui s’exprime dans un français impeccable, explique : « Pour moi, un album, c’est créer des espaces et des sonorités qui n’existent pas dans la réalité ». Pour la composition de leur second album War Room Stories, c’est à Berlin qu’ils ont choisi de poser leurs valises. « On n’a pas choisi Berlin pour s’en inspirer musicalement, car la musique qu’on écoute là-bas est une forme d’électro assez éclectique. On a choisi Berlin pour échapper à Londres et à des formes de musiques très typées. On souhaitait rejeter toutes ces influences. » Après l’énergie transmise sur scène par des morceaux comme 15 Minutes, Got Well Soon ou Envy, on rêve déjà au prochain album. Et c’est pour quand, d’ailleurs ? « On a fait un appel sur notre page Facebook pour savoir si quelqu'un avait un lieu à nous suggérer, pas nécessairement abandonné mais inspirant, qui n’aurait rien à voir avec Londres, Berlin, Paris ou New York, confie Roman. Quelqu'un a trouvé une ville abandonnée en Chine où l’on peut louer un bâtiment de trente étages pour 10 euros par semaine ! J’aimerais bien que l’on ait notre propre ville pour deux à trois mois. »








L’artiste le plus attendu de la journée, c’est sans aucun doute Damon Albarn. La légende vivante du rock anglais vient de publier son premier album solo Everyday Robots en avril dernier. Une aventure qui semble lui avoir laissé une plus grande marge de manœuvre dans les thèmes abordés (des nouvelles technologies à un éléphanteau mignon) ainsi que dans le style musical, malheureusement moins rock qu’au sein de ses autres formations. Alors que Seasick Steve traîne dans les crashs et que Roman Rappack n’est pas non plus bien loin, Damon entre sur scène sous un tonnerre d’applaudissements et de cris très aigus. C’est avec Lonely Press Play que le set débute. Le single éponyme de son dernier album, premier morceau de sa carrière solo à avoir filtré, arrive en deuxième position. Il enchaîne ensuite avec trois morceaux de Gorillaz : Tomorrow Comes Today, Slow Country, et Kids With Guns. L’adhésion du public est sans faille et la foule est suspendue aux lèvres de celui qui, sur scène, fait les cent pas, balance de l’eau dans la fosse, ou s’excuse de la trop courte durée d’un concert en festival. C’est maintenant Three Changes de The Good, The Bad and The Queen qui résonne dans le parc de Beauregard. On aura droit à ensuite droit à deux morceaux consécutifs de Blur: Out Of Time et All Your Life. Dans la fosse, tout le monde saute, tout comme d’ailleurs sur les deux autres morceaux de Gorillaz qui suivront (Clint Eastwood et Don’t Get Lost In Heaven). Retour à ses compos perso avec Mr Tembo, pour laquelle le rejoidront d’ailleurs des chanteurs de gospels, qui, arrivés une chanson trop tôt, patienteront  assis en ligne qu’Albarn finisse son morceau. Après une longue carrière au sein de trois groupes successifs, l’Anglais affiche un répertoire long comme le bras, et prend plaisir à voir la satisfaction du public à l’entente des premières notes des morceaux de ses différentes formations. Et nous aussi, on est ravis.




A part ça, ce dernier jour était plutôt calme, du moins jusqu'à l'arrivée de Frank Black et sa bande qu'on attendait tous avec impatience. Nos oreilles auront été charmées, doucement mais surement, par les douces mélodies d'Agnes Obel. Les morceaux folk-pop de Yodelice ne nous ont pas bouleversés plus que ça, et John Butler Trio nous ont chauffé juste comme il fallait pour l'incroyable concert des Pixies qui ont clôturé le festival de façon magistrale. On ne s'attendait pas à un incroyable moment de rock'n'roll, mais le groupe a fait son boulot proprement, le son et la setlist étaient parfaits, et l'ambiance avait quelque chose d'un générique de très bon film, ou l'on écoute les tubes s’enchaîner en repensant à tout les meilleurs moments de ces trois derniers jours. 

Une seule chose à dire: à l'année prochaine, John! 




                        



Rédacteurs: Aurélie Tournois et Jacques de Rougé // Photographe: Emmanuel Gond et Jacques de Rougé

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