Présenter Harper Simon comme le rejeton de Paul Simon serait tout bonnement aussi injuste qu’injustifiable. Le garçon, biberonné à la guitare et aux disques des Rolling Stones et du Velvet Underground, a su se forger une identité musicale propre et forte, bâtie à force de coups durs, de rencontres et d’introspection. Rencontre avec un artiste à fleur de peau.
Ton premier album
était imprégné de country, comment s’est fait ce revirement vers une musique
plus inspirée par le folk rock ?
Harper: J’écoute pas mal de trucs différents et j’ai grandi en
écoutant diverses sortes de rock and roll, de blues, de country, de jazz et de
punk-rock. Des choses très variées. Ce disque évoque plus mon amour pour
certains groupes comme le Velvet Underground ou les Rolling Stones. J’ai
travaillé avec Pete Thomas, le batteur d’Elvis Costello et de The Attractions.
C’est un excellent batteur. Il m’a poussé à jouer plus fort et à faire des
solos. Ca m’a permis de me libérer d’un certain carcan.
Comment définirais-tu
ta musique sur Division Street ?
Harper: Faire un bon disque de rock and roll que les jeunes pourront
lancer sur le juke box où sur lequel ils iront se bourrer la gueule, vivre leur
vie sans penser à leurs problèmes l’espace de cinq minutes.
Je veux dire, le rock and roll, c’est danser sur tes problèmes,
comme dirait Pete Townshend* (guitariste de The Who, ndlr). Tu laisses tes problèmes derrière toi quand tu vas a un concert
de rock. Tu laisses tes frustrations face au gouvernement, ta
colère contre ta famille ou envers toi-même. Tu laisses tout ça en suspens, et
tu te sens libre pendant un instant.
Tu es passé par des
périodes difficiles pendant la genèse de cet album. C’était difficile pour toi d’écrire
les paroles de tes morceaux dans ces moments-là ?
Harper: J’ai écrit la plupart des paroles en quelques mois. J’allais
à la bibliothèque et je restais moi-même.
Oui, c’est vrai, ai vécu quelques épisodes dépressifs. C’est
difficile d’écrire des textes, de s’isoler, d’aller très profond en soi et d’arriver
à comprendre ce que tu as envie d’exprimer. C’est parfois pénible.
Est-ce que c’est
important pour toi de révéler tes sentiments les plus profonds dans les paroles
de tes morceaux, ou préfères-tu raconter des histoires, finalement plus
distantes de ce que tu vis personnellement ?
Harper: Ça n’est jamais si distant que ça. Les sentiments sur
lesquels je mets des mots doivent résonner en moi d’une certaine manière, sinon je n’aurais pas envie d’en parler. Oui,
j’essaie d’évoquer des sujets personnels ou d’utiliser un langage qui n’est pas
trop « facile ». Je passe beaucoup de temps à retravailler mes paroles,
car je pense que c’est important. Je ne veux pas débiter une série de clichés. Si
tu veux entendre ce genre de textes, il suffit d’acheter des albums d’autres genres.
Mais si tu veux bien te donner la peine d’écouter le mien, alors je vais essayer
de pondre des textes bien écrite qui ont une signification, au moins pour moi
en tout cas.
Le morceau Division
Street évoque les différentes directions que l’on peut prendre et des
conséquences de ce choix. Quand as-tu eu ce sentiment, dans quelle situation ?
Harper: Je crois que c’est rare de ressentir ce genre de chose. Je
pense que c’est plus quelque chose dont on se rend compte en regardant en
arrière. Cet album est une série de petites photos de ces moments ou tu te dis
que tu peux prendre telle ou telle direction. Mais c’est rare que l’on les
reconnaisse au moment présent. C’est plus facile de s’en apercevoir après coup :
« ah c’est à ce moment là ! ».
Est-ce que ça t’arrive
souvent d’imaginer à quoi ressemblerait ta vie si tu avais fait des choix
différents ?
Harper: Oui je l’imagine, mais je suis un peu tiraillé. Je ne pense
pas que ce soit très productif de penser autant à ce qui aurait pu arriver. C’est plus important d’avoir de la gratitude
pour ce que tu as. Mais bon, c’est plus
facile à dire qu’à vivre !
Tu as peur de prendre
de mauvaises décisions ?
Harper: Cette chanson en particulier (Division Street) parle d’un
personnage qui ne fait que prendre de mauvaises décisions à ce moment-là. C’est
moi à une certaine période de ma vie, il y a pas mal de temps. Ce personnage parcourt
une longue route sombre. C’est une manière d’encourager ces reflets de moi-même
à surmonter leurs difficultés.
C’est ce que tu
chantes aussi sur 99, non ?
Harper: 99 est davantage sur le fait de regarder en arrière et les
regrets qui vont avec. Sur ces moments
où tu rencontres quelqu’un, qui peut
être la bonne personne, mais que tu as croisée au mauvais moment. L’autre a
déjà quelqu’un dans sa vie alors que toi tu es seul, tu es trop bourré où
l’autre est trop jeune. Qui sait ? La vie est difficile à contrôler. Tout
est affaire de timing. Cette chanson est une chanson d’amour sur les regrets.
Musicalement, tu
sembles être un passionné de guitare. D’où ça vient ? Quels sont tes
guitaristes préférés ?
Harper: J’ai commencé la guitare très jeune. Je n’ai pas grandi en
écoutant de l’électro, mais de la guitare. C’est ce que je sais faire. Mais
peut-être que je suis démodé ? J’adore Keith Richards, Pete Townshend… Il y en a beaucoup ! Django Reinhardt,
Charlie Christian, Jimi Hendricks…
Les plus grands!
Harper: Yeah!
Tu as invité Nikolai
Fraiture, le bassiste des Strokes, sur ton album. Comment c’était de travailler
avec lui ?
Harper: C’était fun ! Il a joué sur quatre morceaux, ou peut-être
trois, je ne sais plus. C’était super. La musique des Strokes me parle beaucoup
la plupart du temps. J’ai toujours trouvé que Nikolai était un joueur de basse extraordinaire.
Je reconnais systématiquement quand c’est lui qui joue et c’est plutôt rare, en
ce qui concerne les bassistes ! Donc j’étais heureux de l’avoir sur l’album.
Leur album Comedown Machine est sorti la semaine
dernière. Est-ce que tu l’as écouté ? Qu’est-ce que tu en penses ?
Harper: Je ne l’ai pas entendu encore. Tu l’aimes ? J’ai lu que
c était très eighties. Il faut absolument que je l’écoute, j’adore les Strokes !
*“Rock 'n' Roll might not solve your problems,
but it does let you dance all over them”, Pete Townshend.
La Playlist d'Harper Simon
Propos recueillis par Aurélie Tournois // Photos: Jacques de Rougé
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