Le mois dernier nous
rencontrions Simon Milner et Dominic Apa d’Is Tropical pour parler chiffons,
enterrements caribéens, chanteuses françaises et tournée en Mongolie.
Parlez-nous de votre
collaboration avec Luke Smith.
Simon : Nous avions rencontré Luke Smith
avant d’enregistrer le premier album. Il avait déjà envie de travailler avec
nous à l’époque mais nos emplois du temps étaient incompatibles. Il produisait Total Life Forever de Foals en Suède au
même moment alors on a fini par le faire nous-même avec un ingénieur du son. Mais pour I’m Leaving
on a enfin pu travailler ensemble et c’était génial. Luke est un producteur
incroyable. Il nous en a énormément appris sur le son. C’était comme si on
recevait une leçon chaque jour. Avant de jouer quoi que ce soit il nous
expliquait comment tel ou tel son affectait l’ouïe, etc. Ca a bien collé entre
nous, c’est un ami maintenant.
Est-ce qu’il vous a beaucoup
fait retravailler vos chansons ou votre manière de jouer ?
Dominic :
Oui, certaines chansons ont énormément changé par rapport aux démos, mais de
façon positive ! Luke est très doué pour distinguer les meilleurs passages
d’un morceau et pour les accentuer. Au lieu de s’inquiéter du produit fini, il
laisse vraiment vivre la chanson. Luke est un producteur de la vieille école
dans le fait qu’il conçoive un album comme un tout. Par exemple comme une
pizza. Et il va te dire « Ok alors cette chanson ce sera le fromage,
celle-là la tomate … »
Simon : Il
est aussi du style à te faire rejouer la même ligne de guitare mille fois et de
te dire au bout de quatre heures « Là c’est la bonne ! » alors
que tu n’as pas l’impression d’avoir joué différemment.
Dominic :
Oui il est très attaché au détail et à l’énergie d’un morceau. Si un passage
est censé être dingue, il va te pousser jusqu’à ce que tu deviennes toi-même
complètement fou. Et il paraît que c’est la marque des grands. Comme Hitchcock
qui aliénait ses acteurs d’eux-mêmes pour que l’émotion resurgisse
inconsciemment dans leur jeu. Luke est très bon pour savoir à l’avance comment
une chanson est supposée sonner et pour te la faire jouer de la bonne façon.
C’est un marionnettiste en fait. Le mieux dans cet enregistrement finalement c’est qu’on a toujours laissé Luke avoir le
dernier mot. Ça nous enlevait toute la pression de savoir qu’il y avait une
puissance supérieure et que tout ce qu’il fallait qu’on fasse nous c’était de
se concentrer sur le moment présent. Et c’est ce qui fait que l’on entend si
bien l’énergie du moment à travers tout l’album.
Cet album est bien
plus mélancolique que le premier
Simon :
C’est qu’il parle beaucoup de la mort en fait, oui !
Oui, justement on
s’est demandé si le titre I’m Leaving et la pochette recouverte de
fleurs qui pourraient faire penser aux vacances au premier abord, ne serait pas
en fait une référence à la mort !
Simon : Oui,
on a joué sur cette ambiguïté. Cet album est globalement plus axé sur l’émotion
tandis que le premier était plutôt superficiel.
Dominic : L’ambigüité
des paroles sert à laisser libre cours à l’imagination de l’auditeur et lui
donner l’impression que les chansons parlent de lui.
Simon : On a
trouvé ça intéressant aussi de créer un décalage entre des airs mélancoliques
et des paroles plus motivantes.
Dominic : Je
ne sais pas pourquoi je pensais à ça mais dans les Caraïbes, c’est très courant
que lorsque tu meurs on te fabrique un cercueil de la forme de quelque chose
que tu aimais. Donc on enterre les gens dans des cercueils en forme de
bouteille de Coca Cola ou de barre de Snickers et tu vois tout le monde pleurer
autour une bouteille de Coca géante, c’est très ironique. Je trouve que notre
album est un peu comme un cercueil en forme de bouteille de Coca-Cola…
Est-ce que vous avez
eu de nouvelles influences musicales sur cet album ?
Simon : Je crois
qu’on a toujours eu les mêmes influences mais on ne les a pas exploitées de la
même façon. Dans le premier album on a fait un son très électro et cette
fois-ci on a créé un son plus direct, basé sur la guitare.
Dominic :
Dans le studio on a écouté beaucoup de trucs intéressants comme Bowie période Heroes ou les chansons plus longues et
bizarres d’Iggy Pop. Ce qui est amusant quand tu écris des chansons et que tu
les enregistres c’est que tu ne sais jamais ce que ça va donner au final. Les
influences sont toujours là mais tu ne sais pas laquelle sera la plus évidente
à la fin.
Simon : Oui
c’est marrant, il est arrivé une fois qu’on nous dise qu’une de nos chansons
ressemblait à du New Order alors qu’aucun d’entre nous n’écoute New
Order !
Vous cachiez vos
visages au début de votre carrière. Pourquoi avoir finalement abandonné ce
choix ?
Simon :
Parce que les gens trouvait ça arrogant et que ce n’était pas du tout le
message qu’on voulait faire passer. On voulait être accessibles et ne pas
laisser ces foulards être une barrière entre le public et nous.
Dominic : A
nos débuts, ces masques avaient un sens. Ils nous permettaient de ne pas nous
soucier de notre apparence. Et moi personnellement ça me faisait agir de façon
complètement différente sur scène. J’étais moins nerveux parce que c’était
comme si j’interprétais un personnage. Mais maintenant qu’on est plus sûrs de
nous, c’était naturel qu’on se débarrasse de ces masques sur lesquels les gens
se focalisaient trop finalement. En plus, la première fois qu’on a joué sans
nos masques, ça a tout changé ! On a commencé à tous se regarder, à
communiquer, alors qu’avant on était beaucoup plus repliés sur nous-mêmes. Mais
encore une fois cette histoire de masques n’était pas ce qu’on a fait de plus
intéressant.
Il y a une voix féminine
sur ce nouveau disque. Qui est cette nouvelle recrue ?
Simon : On a
toujours trouvé que les voix féminines étaient vraiment belles, alors pourquoi
s’en passer ? La fille qu’on entend sur l’album n’est pas chanteuse, c’est
en fait la petite amie de Gary. Il l’a fait chanter sur les démos et elle ne
pensait pas que sa voix serait utilisée. Mais elle était tellement naturelle et
attendrissante qu’on l’a gardée. Pour les tournées par contre elle ne peut pas
toujours nous accompagner. Quand on a tourné avec les Concrete Knives c’est
Morgane, leur chanteuse qui l’a remplacée !
Dominic : C’était
chouette d’ailleurs avec son accent français !
Vous semblez avoir un
lien particulier avec la France d’ailleurs. Vous avez signé chez Kitsuné, l’une
de vos chansons s’intitule Toulouse…
Simon : C’est
parce qu’on a écrit la plupart de nos chansons en tournée après le premier
album. Toulouse a été écrite à
Toulouse et on a de bons souvenirs des concerts qu’on y a donnés.
Dominic : Et
c’est génial, pour nous qui venons de Londres qui n’a pas d’identité claire, de
faire partie d’un label situé dans une ville qui possède une culture aussi
forte que Paris ! C’est un peu
comme une deuxième maison dans laquelle tu peux te rendre par un train magique.
Tu sors du tunnel et tout est beau. Tu y restes pour le
weekend avant de retourner au gros bordel qu’est Londres.
Etait-ce aussi une
façon de ne pas être catalogué « groupe anglais » ?
Simon :
C’est vrai qu’à l’époque du premier album on ne voulait pas être estampillés
britanniques et avoir l’image de l’Union Jack accolée à nous tout le temps.
Mais en enregistrant I’m Leaving on a
fait attention à sonner très britannique pour ne pas être confondus avec des
américains. Mais c’est vrai qu’on n’est pas vraiment du genre patriotes ou
rattachés à une ville, on adore voyager...
Dominic : On
n’est pas du tout du genre à finir notre vie dans notre ville natale
quoi !
Simon : Dans
une semaine on sera le premier groupe occidental à jouer en Mongolie !
Dominic : On
est très excités d’y aller, oui. Il y a beaucoup de groupes plus grands que
nous qui n’ont pas eu la chance d’aller en Russie par exemple. C’est notre
grande fierté de pouvoir dire qu’on connait des gens un peu partout dans le
monde et que ce n’est pas près de s’arrêter !
La playlist d'Is Tropical
Propos recueillis par Kirana Chesnel // Photos: Emmanuel Gond
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